GRAND PRIX DE LA CORSE 1921
En avril 1921, pour commémorer le centenaire de la mort de l'Empereur, le tout jeune Automobile-club de la Corse, présidé par Noël PINELLI, organisa une manifestation sportive qui eut un grand retentissement au niveau national.
Il faut dire que plusieurs grandes marques étaient représentées (BIGNAN, TURCAT-MERY, CHENARD et WALCKER etc...) et des pilotes de renom firent le déplacement, à commencer par Albert GUYOT, qui allait s'imposer dans la catégorie-reine sur une BIGNAN à moteur 3 Litres, 4 cylindres, arbre à came en tête et 16 soupapes, 95 cv pour 900 kg.
3 mois plus tard, Albert GUYOT allait terminer 6ème du Grand-Prix de France, sur DUESENBERG.
Le circuit était un triangle de 147.3 kilomètrres reliant Corté, Casamozza et Cateraggio, à parcourir 3 fois, pour une distance totale de 441.9 km.
GUYOT s'imposa à plus de 72 km/h de moyenne.
La fête allait malheureusement être endeuillée par la mort accidentelle de Pierre DELAUNAY, dont la BIGNAN 1.4 Litre quittait la route lors du franchissement d'un dos d'âne.
Aujourd'hui, une stète, sur l'actuelle RT 50, perpétue son souvenir.
Ces photos sont un hommage à ces pionniers du sport automobile sur cette terre de rallyes qu'est la Corse.
PROGRAMME DES EPREUVES SPORTIVES
Lundi 18 avril à 14h00, à BASTIA : Pesage et vérification des voitures
Mardi 19 avril : Epreuves éliminatoires individuelles sur 5 kilomètres, entre Cateraggio et Prunete (moyenne obligatoire : 100 km/h)
Jeudi 21 avril : GRAND PRIX DE LA CORSE (3 tours de circuit, départ et arrivée de Casamozza, premièr départ 7h30), PRIX DES TOURISTES et PRIX DES VOITURES LEGERES (sur 1 tour de circuit)
Les courses seront finies à 16h00.
LES TRIBUNES
Le team TURCAT-MERY. La marque, dont les usines étaient installées à MARSEILLE, avait pour slogan "La voiture des connaisseurs"
Le team CHENARD & WALKER
Quelques points de passage
CASAMOZZA, la bifurcation
CORTE, le public commence à arriver....
La montée du col de SAN QUILICO
PONTE NOVO
FOLELLI et ses lignes droites
Le pesage des machines
LES PRIX
PRIX DU CONSEIL GENERAL DE LA CORSE : 25.000 francs
à la voiture ayant effectué les trois tours du circuit dans le meilleur temps
PRIX DU CONSEIL GENERAL DES BOUCHES DU RHONE : 25.000 francs
au conducteur classé premier dans le Grand Prix
PRIX DU COMITE : 50.000 francs
au gagnant du Grand Prix de la Corse
La moitié des entrées au conducteur classé 2ème
le quart des entrées au conducteur classé troisième
le 1/8ème aux conducteurs classés 4ème et 5ème
PRIX DES TOURISTES
2500 Francs au conducteur classé 1er
1500 francs au conducteur classé 2ème
1000 francs au conducteur classé 3ème
PRIX DES VOITURES LEGERES
2500 Francs au conducteur classé 1er
1500 francs au conducteur classé 2ème
1000 francs au conducteur classé 3ème
LES FORCES EN PRESENCE
GRAND PRIX DE LA CORSE
1. M. Benoist DE BARY (TURCAT MERY)
2. M. Henry ROUGIER (TURCAT MERY)
3. M. Albert GUYOT (BIGNAN SPORT)
4. M. NOUGUE (BIGNAN SPORT)
5. M. Christian DAUVERGNE (CHENARD WALCKER)
6. M. Antoine d'AVARAY (TURCAT MERY)
7. M. REPUSSEAU (TURCAT MERY)
8. M. LAGACHE (CHENARD WALKER)
9. M. ROUVIER (CHENARD WALKER)
PRIX DES TOURISTES
1. M. Sady LECOINTE (ROLLAND PILAIN)
2. M. REBENTY (ROLLAND PILAIN)
3. M. DUPRE (PANHARD LEVASSOR)
4. M. COLLIN (LEON BOLLEE)
5. M. JULLIEN (DELAGE)
6. M. X (BIGNAN SPORT)
7. M. DE DIESBACH (BIGNAN SPORT)
PRIX DES VOITURES LEGERES
1. M. DELAUNAY (BIGNAN SPORT)
2. M. INGHILBERT (BIGNAN SPORT)
3. M. VESCAYA (BUGATTI)
Christian DAUVERGNE, sur CHENARD ET WALCKER
Antoine D'AVARAY, sur TURCAT-MERY
Benoist DE BARY, sur TURCAT-MERY
Pierre DELAUNAY sur BIGNAN. Dernières photos avant le drame.
Albert GUYOT et son extraordinaire BIGNAN.
INGHILBERT, sur BIGNAN
LAGACHE, 6ème sur CHENARD-WALKER avant abandon dans le dernier tour
REPUSSEAU, ingénieur, 3ème sur TURCAT-MERY PG Sport 40 CV
NOUGUE, sur BIGNAN
ROUVIER, sur CHENARD ET WALCKER
LECOINTE, aviateur de profession, sur ROLLAND-PILAIN "l'as des voitures, la voitures des as"
Henry ROUGIER, sur TURCAT-MERY. Vainqueur du 1er rallye de Monte-Carlo en 1911
Paul MEYAN, fondateur et rédacteur en chef de la France Automobile, première revue de l'Auto, nous présente l'épreuve :
""Ce fut une idée heureuse autant que séduisante, celle d'organiser en Corse une grande course automobile dotée d'un prix important tel que jamais aucune épreuve de ce genre n'en a connu jusqu'à ce jour.
Un comité se trouva bientôt constitué dans lequel s'inscrivirent toutes les notabilités que compte la Corse et autour duquel se groupèrent les patronages les plus haut placés, témoignant ainsi de la sympathie que l'on porte en tous lieux à ce département français si beau, si riche en sites pittoresques, en excursions merveilleuses.
Dès le début survinrent les difficultés d'organisation.Le choix du circuit d'abord, donna lieu à maintes études; des coureurs vinrent même du continent pour donner leur avis sur le choix des routes et la possibilité d'y faire courir à toute allure des voitures susceptibles, ne l'oublions pas, de marcher à 130 ou 140 kilomètres à l'heure.
Les routes de ce genre sont rares en Corse. Après avoir parcouru tout l'île, on s'arrêta sur le grand triangle de 147 kilomètres de tour qui, partant de Casamozza, remonte la vallée du Golo, passe à Barchetta, Ponte Novo, Ponte Leccia, Francardo, Caporalino, Soveria, grimpe alors au col de San Quilico, à 566 mètres d'altitude, pour redescendre sur Corté, un des sommets du triangle.
La ville traversée, après un virage sensationnel au pont du chemin de fer, les coureurs s'élanceront par la route plus étroite qui suit la vallée du Tavignano vers le bord de mer où, à Cateraggio, 2ème sommet du triangle, ils trouveront la route venant de Bonifacio et la longue plaine orientale.
Là, les routes plates et droites permettront aux concurrents de développer toute leur vitesse.
Ils traverseront Prunete, Folelli, pour revenir à Casamozza, qui se trouve être ainsi à la fois point de départ, de virage et d'arrivée.
Ce circuit devant être couvert 3 fois, les coureurs passeront 2 fois à Casamozza avant d'avoir terminé le parcours.
Celui d'entre eux qui passera le premier au 3ème tour sera le vainqueur du Grand Prix de la Corse et gagnera 100.000 francs.
Cet itinéraire très caractéristique, en ce sens qu'il comporte 40 km de montées, 60 de descentes et plus de 40 de palier, est très sinueux sur les 2/3 de son parcours et possède de belles lignes droite sur la partie qui longe le littoral.
C'est donc une épreuve très dure pour les véhicules qui y prendront part. Tous leurs organes, freins, direction, moteur, y seront soumis d'un bout à l'autre à un rude travail qui permettra de dire de ceux qui termineront dans de bonnes conditions qu'ils ont des outils de premier ordre auxquels le plus difficile pourra donner, les yeux fermés, toute sa confiance.
Les constructeurs dont les marques sont réprésentées dans le Grand Prix sont d'ailleurs à l'abri de toutes critiques, ayant prouvé depuis longtemps que les voitures sorties de leurs ateliers sont impeccables et comptent parmi les mieux placées de l'industrie automobile française.
BIGNAN, CHENARD-WALKER, TURCAT-MERY depuis de longues années déjà spécialisés dans la voiture de tourisme à grand rendement amènent en Corse des engins plus particulèrement revus sans doute, et mis au point en vue du Grand-Prix mais il faut le dire bien haut, des engins de tourisme dans lesquels, la course terminée, 4 personnes pourront monter avec leurs bagages et se mettre, s'il leur plait, en route pour les plus longues randonnées.
Car le comité du circuit, tout en voulant mettre sur pied une belle épreuve sportive, a voulu aussi que cette épreuve ait un but et un résultat pratique. Aussi a-t-il exigé que les voitures courant au Grand-Prix ne soient pas de pures voitures de course dont l'utilisation est limitée, mais soient des voitures de tourisme à 4 places, munies de tous les accessoires qui assurent le confort du voyageur : capote, pare-brise, ailes, marchepieds...
Ce sont des voitures de ce genre que l'on verra le 21 avril et l'on prétend qu'elles marcheront à 80 kilomètres à l'heure en moyenne.
Sur ce circuit, ce sera merveilleux.
On ne saurait d'ailleurs pas s'en étonner. Les coureurs qui pilotent ces voitures sont ou des sportsmen amateurs di primo cartello, tels De Bary, Bouvier, d'Avaray, Lagache, Dauvergne, Repusseau, ou des as du volant dont les noms ont figuré maintes fois au palmarès des plus grandes épreuves, les Guyot, Rougier, Nougué.
On les verra à l'oeuvre.""
Paul MEYAN
L'avis d'Albert Guyot, futur vainqueur
Extrait du journal "Le Sport Universel Illustré" d'avril 1921
""Cette épreuve sera suivie avec le plus vif intérêt parce qu'elle marquera la rénovation après-guerre des grandes courses d'automobiles.
Le règlement est simple et précis : Voiture de tourisme 4 places avec ailes, marchepieds, capote. Moteur 3 litres de cylindrée, quelques côtes de largeur d'ailes, de carrosserie, une distance minima du point le plus bas du volant de direction à la tangente avant de la roue arrière et c'est tout.
Le jour de la course, 2 places seront occupées et les passagers arrière remplacés par 120 kilos de lest. De cette épreuve sortira une voiture de grand sport maniable et sûre.
J'ai parcouru plusieurs fois le circuit. Mon impression générale est excellente. Une bonne voiture, sur ce parcours, fera une démonstration brillante. De Casamozza à Ponte-Leccia et à Corté, dans les lacets accidentés de la vallée du Golo, de bons freins, de la souplesse seront nécessaires.
Dans la partie Corté-Cateraggio, par les gorges profondes du Tavignano, la suspension, la bonne tenue de route seront mises à rude épreuve.
De Cateraggio à Folelli et Casamozza, par la superbe route qui suit le bord de mer, les plus grandes vitesses seront permises. Et ce qui ne gâte rien, l'épreuve se déroulera dans un paysage merveilleurx qui ne le cède en rien à l'Arizona et au New-Mexico.
Les habitants sont très accueillants, bergers et montagnards très empressés à céder la place sur la route. Les touristes qui feront le déplacement, en plus de l'intérêt de la course, ne regretteront pas leur visite à l'Ile de Beauté.
A Ajaccio, quelques épreuves accessoires encadreront le grand évent : le kilomètre lancé, les 5 kilomètres où les concurrents devront pour se qualifier, réaliser au moins 100 kilomètres de moyenne.
La compagnie Fraissinet organisera de Marseille, de Nice, des services spéciaux de bateaux.
Il ne reste plus qu'à souhaiter un succès complet au comité de Corse pour son initiative hardie.""
Albert GUYOT
LA COURSE
Le départ
ROUGIER à PONTE NOVO, 2ème sur TURCAT-MERY
REPUSSEAU, 3ème
DEBARY, 5ème sur TURCAT-MERY
Le futur vainqueur, Albert GUYOT....
...ici à la bifurcation de Casamozza, après le premier tour...
INGHILBERT, sur BIGNAN
D'AVARAY, sur TURCAT-MERY
DAUVERGNE, sur CHENARD & WALKER
NOUGUE, à l'attaque....
....avant de connaitre la panne, avec sa BIGNAN
Passage aux environs de CORTE.....
L'ARRIVEE
DAUVERGNE, 6ème sur CHENARD & WALKER
REPUSSEAU, 3ème sur TURCAT-MERY
ROUGIER, 2ème sur TURCAT-MERY
....et la foule fait une ovation à Albert GUYOT, qui remporte le Grand-Prix de la Corse !
Le vainqueur reçoit les félicitations des officiels, parmi lesquels M.LE TROCQUER, ministre des Travaux Publics
Le trophée du vainqueur
Restée sans lendemain, cette course est néanmoins ancrée dans l'histoire sportive de la Corse. Aujourd'hui, la stèle en hommage à Pierre DELAUNAY est le seul témoignage de cet évènement, mais il rappelle un épisode tragique.
Le sport automobile en Corse attendra 35 ans pour prendre son envol vers l'olympe du sport mondial. En 1956, une poignée de passionnés lanceront sur les routes les premiers équipages du Tour de Corse. Mais ceci est une autre histoire.
L'accident de Pierre DELAUNAY
Rapatriement par bateau de la BIGNAN accidentée de DELAUNAY
COMPTE-RENDU DE LA MANIFESTATION PARU DANS LE QUOTIDIEN
"L'OUEST ECLAIR"
Ce matin commence le circuit automobile international de la Corse, épreuve qui a suscité depuis son annonce un sentiment de vive curiosité parmi la population de l'île.
Les premiers trains ont quitté Bastia archi-bondés pour Casamozza, point de départ et d'arrivée du circuit. Le temps est magnifique, le soleil brille séchant les routes du circuit.
A Casamozza, dès 6 heures du matin, l'activité est grande ; dans les tribunes se pressent de nombreux spectateurs.
Les concurrents arrivent par équipes; certains d'entre eux, qui ont effectué un tour de circuit, déclarent que les routes sont bonnes.
M. Le Trocquer, ministre des Travaux Publics. arrive en automobile de Calvi où il a débarqué, accompagné de M. Landry, député de la Corse ancien ministre de la Marine.
Le .ministre est reçu par le Comité d'organisation et se fait présenter tous les concurrents.
A 8 h30 exactement, il donne le départ au premier concurrent qui est DEBARY.
Les départs se succèdent toutes les cinq minutes dans l'ordre suivant : Debary, Rouvier, Guyot, Rougier, Lagache, Nougue, Dauvergne, Davaray et Repusseau; les concurrents sont tous chaudement acclamés par la foule.
Les concurrents ont terminé le 1" tour à la fin duquel le classement est le suivant :
1er GUYOT couvrant les 147 kilomètres en 2 h. 2 min. 14 sec. 1/5
2ème NOUGUE en 2 h 4 m 24 s 2/5
3ème LAGACHE en 2 h 7 m 27 s 3/5
4ème ROUGIER en 2 h 7 m 46 s 4/5
5ème DEBARY en 2 h 10 m 14 s 1/5
6ème DAUVERGNE en 2 h 11 m 10 s
7ème REPUSSEAU en 2 h 13 m 16 s. 1/5
8ème D'AVARAY en 2 h 13 m 43 s 2/5
9ème ROUVIER en 2 h 30 m 2 s
Au second passage devant les tribunes, GUYOT passe premier accomplissant les deux tours du circuit en 4 h 10 m 19 s. 1/5.
GUYOT se ravitaille en essence et repart talonné par DEBARY qui a effectué les deux tours en 4 h. 22m. 21 s. 4/5.
Au 2' tour, le classement s'établit comme suit :
1er GUYOT en 4 h 10 m 19 s 1/5
2ème DAUVERGNE en 4 h. 21m 8 s 1/5
3ème DEBARY en 4h. 22 m 21 s 4/5
4ème LAGACHE en 4 h. 24 m 53 s 1/5
5ème REPUSSEAU en 4 h.28 m 42 s 3/5
6ème ROUGIER, en 4 h 34 m 48 s 1/5
7ème DAVARAY
ROUVIER est resté en panne et NOUGUE a abandonné par suite d'une panne de moteur.
L'ARRIVEE
L'arrivée du Grand Prix de la Corse s'est déroulée devant un public enthousiaste qui n'a pas quitté le lieu d'arrivée durant toute l'épreuve.
C'est GUYOT qui a passé le premier ia ligne d'arrivée, accomplissant les 441 km du parcours 6 h 7 m 51 s 2/5, couvrant le dernier tour en 1 h. 57' 32", ce qui constitue le meilleur temps pour le circuit sur l'ensemble du parcours.
La vitesse moyenne à l'heure reaiisée par le vainqueur est de 72.078 km/h, ce qui représente une performance admirable.
Voici la suite du classement général :
2ème ROUGIER en 6 h 42 m 3s 1/5
3ème REPUSSEAU en 6 h 46 m 40 s 1/5
4ème DAUVERGNE en 6 h 52 m 23 s 3/5
5ème DEBARY en 6 h 54 m 7 s 4/5
6ème D'AVARAY en 7 h 11 m 10 s 1/5
LAGACHE a abandonné au cours du troisième tour.
COMPTE-RENDU DE LA MANIFESTATION PARU DANS LE MAGAZINE "L'ILLUSTRATION' DATE DU 30 AVRIL 1921
LE CIRCUIT AUTOMOBILE DE LA CORSE
Tous ceux qui ont parcouru la Corse vantent avec raison le charme très spécial de cette île ensoleillée qui nous offre souvent, avec une végétation plus luxuriante et des aspects moins desséchés des paysages aussi admirables que certains coins les plus admirables de la Sicile ou de l'Italie.
Ces touristes de la première heure prêchent souvent dans le désert, car bien peu nombreux sont encore les Français assez entreprenants pour faire entrer dans un programme de vacances la traversée du bras de mer qui sépare Nice d'Ajaccio.
Espérant secouer cette apathie du public et attirer son attention sur l'île délaissée, l'Automobile Club de Corse a eu l'heureuse idée d'organiser une grande épreuve sportive dans la province de Corté.
Un circuit de 147 km devait être couvert 3 fois, ce qui représentait un parcours total d'environ 441 km rendu très pénible par la configuration du terrain. Partant de Casamozza, petite ville au sud de Bastia, les concurrents gagnèrent d'abord les hauteurs de Corté d'où ils descendaient vers la côte orientale pour la suivre sur une assez longue distance.
Le programme comportait 3 épreuves distinctes : les Grand Prix de la Corse, ou coupe Cyrnos, doté d'un premier prix de 100.000 Frs, le Prix des Voitures Légères et le Prix des Voitures de Tourisme.
Cet important meeting, le premier du genre en Corse, avait suscité dans toute l'île un enthousiasme facile à comprendre. On était accouru des points les plus éloignés et, à la foule indigène, s'ajoutaient des groupes nombreux venus du continent, encouragés sans doute par l'exemple de M. Le Trocquer, ministre des Travaux Publics, qui avait tenu à présider la fête.
A la veille de la célébration du centenaire de Napoléon, beaucoup sans doute avaient saisi l'occasion de combiner avec une excursion touristique un pèlerinage historique.
La course achevée, ceux qui avaient attendu les concurrents au pied de la citadelle de Corté se pressaient devant la petite maison où naquit Joseph-Napoléon Bonaparte et où fut conçu le grand empereur.
Les concurrents n'étaient pas aussi nombreux qu'on était en droit de le prévoir : trois firmes seulement entraient en lice. Elles étaient représentées, il est vrai, par onze pilotes, dont plusieurs comptent parmi les meilleurs de l'heure actuelle.
Le Grand-Prix fut gagné par Guyot qui courut les trois tours en 6 heures 7 minutes 51 secondes, soit une moyenne d'un peu plus de 72 km/h. Rougier se classait second en 4 heures 42 minutes 38 secondes, trois autres concurrents se suivaient à 2 ou 3 minutes.
Nous sommes loin, comme on voit, des allures supérieurs à 100 kilomètres auxquelles nous avaient habitués les courses d'avant-guerre. Cette faible vitesse fait ressortir les difficultés du parcours, et les courts intervalles qui séparent les concurrents attestent à la fois l'habileté des pilotes et la résistance et la souplesse de leurs voitures.
L'épreuve des voitures légères fut attristée par un accident mortel : Delaunay, seul, avait pris le départ, au douzième kilomètre, non loin de Corté, il capota dans une ligne droite. Projeté dans le fossé, le malheureux conducteur fut tué sur le coup, son mécanicien Godard était grièvement blessé.
L'épreuve des Touristes était limitée à un tour de circuit. Inghilbert, seul concurrent, effectua le parcours en 2 heures 32 minutes 17 secondes, soit environ 30 minutes de plus que la moyenne de Guyot.
Quelques lignes sur le vainqueur, ALBERT GUYOT.
Il nait à la Noël 1881 à Saint-Jean de Braye dans le Loiret, d’une famille de serruriers.
Très jeune il se passionne pour la mécanique lors de ses vacances passées dans l’atelier de son oncle à Vomimbert.
Ce féru d’automobile remporte en1908 à Dieppe, sur une Delage le Grand Prix des voiturettes de l’Automobile Club de France à la moyenne de plus de 80 km/heure.
Puis il se passionne aussi pour l’aviation. Avec Louis Blériot, il vole en Juin 1909 à Issy les Moulineaux. Il achève un Blériot XI pour effectuer en Septembre son premier vol en solitaire.
Confiant en ses capacités, il part en Russie afin d’y donner une série d’exhibitions. Il les réalise à Saint-Pétersbourg devant une foule enthousiaste. Il s’élève à nouveau dans les airs malgré la neige et le vent violent.
Il recommence à Moscou dans des conditions climatiques glaciales (-19°) où il enchante les spectateurs. A l’issue de ses démonstrations, il rentre en France avec l’espoir de reproduire ses prouesses.
Entre-temps, il créée en Novembre 1910 la Société Française d’Automobiles et d’Aviation. Il participe victorieusement à diverses courses en France et aux Etats Unis. A Indianapolis, il sera 3ème sur une Delage.
En 1921, il remporte le Grand Prix de la Corse.
Il construit une voiture de course la « Guyot Spéciale » dont la carrière sera éphémère.
Installé à Levallois Perret, il consacre sa vie à la construction automobile. Il meurt en Mai 1947 à Neuilly sur Seine. Il repose dans le caveau familial à Saint-Jean de Braye.
Illustrations du moteur de la BIGNAN d'Albert GUYOT
Le constructeur Jacques BIGNAN pose près de sa voiture, qui a remporté la course
BIGNAN 3 L grand Prix de la Corse 1921
Construite par Jacques BIGNAN depuis 1920, la Bignan Sport réalisée à Poissy fut équipée dans un premier temps d’un moteur 4 cylindres de 3,5 L (92x130) à soupapes latérales. Son chassis à 4 ressorts droits, BV séparée a 4 vitesses ,freins sur roues arr uniquement et sur le différentiel, devait évoluer en 1921 pour recevoir le meme moteur avec l’ alésage ramené de 92mm à 85mm ce qui donnait 3 L .Le constructeur en avait profité pour mettre un essieu freiné à l’ av et le servo-frein Hallot .Ces voitures de qualité ne demandaient qu’ à bénéficier de la publicité de la marque ; Cette année 1921 le programme des courses proposait (entre autres) une délocalisation en Corse avec différentes catégories. Albert GUYOT qui jouit d’une renommée internationale va chercher son ami Némorin CAUSAN et lui demande ses conseils pour trouver une monture susceptible de gagner ce Grand Prix de la Corse pour lequel il se sent prêt. Les deux amis se retrouvent chez Jacques BIGNAN ou le magasin de pièces détachées révèle la présence de deux blocs moteurs et 2 vilebrequins de 4 cylindres prototypes étudiés par BIGNAN et Charles PICKER en vue d’un moteur sport à arbre à cames en tete de 2,5L. Nos 2 hommes après accord de Jacques BIGNAN décident la construction d’ une voiture de course autour de ce moteur . Nèmorin CAUSAN va créer une superbe voiture qui gagne avec GUYOT le GP de CORSE : - moteur 4 cyl 87,5 X123 à 1 ACT commandé par arbre vertical, culasse en toit avec 16 soupapes inclinées et petits basculeurs - Vilebrequin 3 paliers et bielles tubulaires - 2 bougies par cylindre et allumage Delco - Puissance 95 cv à 3600 t/mn - Embrayage à disques multiples - Boite 3 vitesses avec 4ième surmultipliée - Chassis spécial surbaissé empattement 2,85m- voie 1,28m - 4 ressorts semi cantilever avec jumelles à l’av sur ressorts AV - Essieu av Perrot Piganeau muni de grands tambours de freins - Superbe carrosserie sport 4 places conforme au règlement hauteur 1,02m - Conduite à droite On peut dire que comme d’habitude, pour un coup d’essai, ce fut un coup de Maitre et Albert GUYOT remporta la course à près de 70 km/h autant par son talent que par les qualités du racer de CAUSAN. La marque BIGNAN profita bien sur de la victoire et Jacques BIGNAN conserva les deux voitures construites.
Source : le Fana N°39
COMPTE-RENDU DU JOURNAL "L'AUTO" du 22 avril 1921