SUR LA ROUTE.... EN 1910
En juillet 1910,, deux touristes, Louis et Hélène C., viennent passer quelques jours en Corse.
Débarqués du paquebot Liamone à Ajaccio, ils louent une automobile et partent à la découverte de l'île sur des routes qui ne sont encore que des chemins de terre, pour la plupart.
Si des automobiles circulent déjà en Corse à l"époque, elles sont minoritaires, les attelages de mulets et de chevaux restant le moyen de transport le plus fréquent.
Nos touristes optent pour un vis-à-vis De Dion Bouton à peu-près semblable à celui-ci, voiture légère et découverte, afin de mieux proftier des paysages et des senteurs du maquis.
Le parcours qu'ils ont préparé doit les ramener à Ajaccio au terme de 4 jours de visite entre les Calanche de Piana, le col de Vergio, Corté et le col de Vizzavona.
Leur petit-fils a accepté bien amicalement de partager les photos qu'ils ont ramenées, témoignages exceptionnels de cette aventure humaine héroïque pour l'époque.
Je vous propose donc de refaire le chemin avec eux, plus d'un siècle après...
La voiture porte le numéro "33 V 2", qui fait partie de la série délivrée en Corse à compter du 22 juillet 1904
Dés le départ d'Ajaccio, les choses sérieuses commencent avec l'ascension du redouté col San Bastianu. Une première halte, dans la descente, au pied du village de Calcatoggio, permet de faire souffler la mécanique.
Aujourd'hui, le décor est sensiblement le même, seule la chaussée a été élargie...
Sur les coups de midi, nos voyageurs s'arrêtent reprendre des forces auprès d'une fontaine, à l'entrée de Cargèse, à l'ombre rafraichissante des eucalyptus...
Dans le village écrasé par la chaleur de ce mois de juillet, un habitant regarde stoïquement passer l'équipage...
A bord de la De Dion, tout va bien mais il ne s'agit pas de trainer: il est prévu de faire étape à Piana et il est préférable d'y arriver avant la nuit...
La montée du Col San Martinu n'est qu'une formalité pour la De Dion..
...et déjà le village de Piana apparait, dans son décor magique où le rouge des rochers et le vert du maquis s'entrelaçent et plongent dans la pureté confondue du bleu du ciel et de la mer...
Dans quel hôtel séjournent-ils ? Mystère...Certainement pas au prestigieux "Roches Rouges".....qui n'existe pas encore et ne sera construit qu'en 1912 !!!
Le lendemain, le trajet doit mener l'équipage à Corté. Il faudra pour cela franchir le plus haut col routier de Corse, le mythique Vergio. Mais rien ne semble pouvoir arrêter la De Dion !
Passage dans les Calanche...
...puis c'est la descente vers Porto. Inutile de s'y arrêter, de toutes façons pour y faire quoi, en 1910 ?
Un petit arrêt-ravitaillement à la fontaine...
...puis c'est le début de l'ascension terrible des gorges de la Spelonca, en face du village d'Ota
La route vers Evisa alterne entre forêts et précipices...Il convient de faire preuve de prudence au volant...
....et c'est enfin l'arrivée au sommet du col de Vergio, d'où s'ouvre un panorama grandiose sur la vallée du Niolu...
Arrivée saluée par le seul habitant des lieux, le mouflon, Roi des cimes Corses !
La descente s'amorce sur la piste défoncée de la forêt de Valdoniello.
Las ! Les ornières auront bientôt raison de la mécanique ! Au passage d'un pont, un bruit net se fait entendre à l'avant de l'auto, qui s'affaisse. Le chauffeur parvient néanmoins à stopper les machines et descend constater la casse d'un ressort.
Un muletier de Calacuccia, qui transporte ses grumes fraichement taillées, se propose de rapatrier tout le monde au village, où l'équipage sera hébergé pour la nuit.....
....tandis que la voiture sera confiée aux bons soins du forgeron, qui aura vite fait de réparer les dégâts...
Cette hospitalité et cette entraide typiquement insulaires permettront à nos amis de repartir vers la Scala de Santa Regina puis Corté dès le lendemain matin, sans perdre de temps sur le planning prévu au départ !
En fin de journée, c'est l'arrivée à Venaco, terme de cette troisième journée. Comme on pouvait s'y attendre, la voiture fait sensation auprès des enfants du village...
A l'aube du quatrième jour, il faut songer à rentrer sur Ajaccio avec, au déjeuner, le franchissement du redoutable col de Vizzavona.....
Le pont du Vecchio est passé sans souci...
....de même que le village de Vivario
Dans la descente vers Bocognano, le panorama s'ouvre sur la vallée de la Gravona et le golfe d'Ajaccio... On touche au but....
L'arrêt est obligatoire à la fontaine, qui existe toujours aujourd'hui.
La traversée de Bocognano s'effectue sans encombres en 1910....Il faudra attendre plus de 100 ans, et l'inauguration de la déviation, avant de pouvoir en dire autant....
Et c'est enfin l'arrivée à Ajaccio !
Au moment d'embarquer sur le paquebot, quel sentiment anime ces pionniers habitués aux longs voyages à travers le monde et qui rentraient d'un séjour de 3 ans en Argentine ? Ils garderont la double image d'un pays aux décors sauvages et indomptés et de la rencontre enrichissante d'une population qui bien qu'encore peu ouverte sur l'extérieur, sait recevoir et adopter ceux qui viennent en amis.