SAUVETAGE INESPERE PRES DE SCANDOLA
Tout commence en mars 2009, avec ma découverte d'une épave populaire mais devenue bien rare aujourd'hui : un coupé CITROEN C4 ("faux-cabriolet", selon la dénomination officielle, auto produite entre 1929 et 1932).
Mato84, jeune internaute Vauclusien, passionné de C4, alerte Gilles, l'un de ses amis. Celui-ci me contacte à son tour.
Résidant en Normandie, il possède un coupé C4 qui avait été transformé en plateau, comme beaucoup de voitures, durant la guerre de 40.
Il recherche depuis des années une épave que lui permettrait de remettre sa voiture en configuration d'origine.
Or, si les C4 berlines et torpédos ne sont pas rares, les coupés le sont beaucoup plus.
Je lui conseille alors de prendre attache avec le maire de la commune où repose l'épave. Ce dernier explique qu'il a donné des instructions pour que tout soit nettoyé sur son territoire, qui abrite plusiers sites remarquables, et qu'il serait surpris d'apprendre que cette épave est toujours là. Il conseille à Gilles de se mettre en rapport avec son adjoint en charge du dossier.
L'adjoint le rassure : oui, il connaît cette voiture, oui, elle est toujours à la même place, pour le moment, sur un terrain privé.
Gilles contacte alors le propriétaire du terrain : la voiture était celle de son grand-père. Il donne son accord pour qu'il vienne la récupérér, à titre gracieux.
Le temps de régler les formalités du déplacement et, le vendredi 21 août 2009, à 5h00 du matin, Gilles part de Normandie avec sa Xantia et son plateau, direction Toulon, pour l'embarquement sur le ferry à destination d'Ajaccio.
Je lui donne rendez-vous à la sortie d'Ajaccio le lendemain à 7h30.
Je préviens Cédric, alias Knacky-ball, célèbre chasseur d'épaves Corse, qui descendra de Balagne pour nous attendre sur les lieux.
D'emblée, le courant passe entre nous : Gilles est un Citroënniste convaincu (il n'a pas hésité à descendre visiter la Croatie en 2CV de 1960 l'an passé) et il m'avoue que les rapports humains comptent beaucoup pour lui, dans son approche de l'automobile ancienne. Ca tombe bien, c'est également mon cas !
Nous partons pour 2h30 de trajet par la route de la côte vers Sagone, Cargèse, Piana et ses Calanche, Porto et son golfe somptueux.
A l'entrée du village de Curzo, une vision nous glace le sang : visiblement, l'épuration est en route...Nous arrivons à temps....
A l'heure H, nous sommes sur place. Cédric est déjà là depuis 10 minutes, armé de sa tronçonneuse. Sans plus attendre, nous nous mettons au travail, pour dégager la voiture, qui repose depuis 60 ans contre le mur soutenant la chaussée....Le chassis et le moteur ont disparu depuis longtemps : sans doute ont-ils été reconvertis à l'époque en matériel à usage agricole...
Après 1/4 d'heure, nous commençons à y voir clair : visiblement, la partie arrière supérieure de la voiture est saine, ce qui rassure Gilles...
Avec l'impatience de la jeunesse, Cédric s'installe aux commandes...
Mais, trêve de plaisanterie, nous empoignons la caisse, 2 à l'arrière et un devant, afin de la hisser sur le plateau...
Ouf ! Le plus dur est fait, sous un soleil de plomb et sous le regard médusé des touristes qui pullulent sur cette route typique.
Arrive alors un 4x4 vert muni d'un gyrophare. Vraisemblablement un agent de la réserve naturelle. Une conversation surréaliste s'engage.
Le garde :
- D'où sort-elle, celle-là ?
Nous :
- Elle était là derrière, nous avons l'accord du propriétaire, M. X, pour la récupérer
Le garde, en redémarrant en trombe :
- Vous avez de la chance de l'avoir trouvée avant moi, sans cela je la broyais comme j'ai broyé le petit fourgon d'à côté...
Aaaaaaargh...mon petit D3 Thermogaz, c'était donc lui.....
A ce moment précis, Gilles se dit que c'est son jour de chance. Il ne peut plus rien lui arriver !!!!
Promptement, il sangle la bête sur le plateau...
Je m'attache à vérifier personnellement la solidité des fixations. Il faut que ça tienne : nous avons de la route à faire et, demain, il y a 1000 km d'autoroute....Pas de blagues, hein ?
Nous procédons ensuite à un examen assez précis de l'état de la caisse. Malgré quelques traces de gros calibre, inévitables, la partie'arrière est largement récupérable.
Cerise sur le gateau, le numéro de série est encore visible ! Ne manque vraiment que la carte grise !!!!!
Après quelques minutes de repos, nous décidons de nous remettre en route pour Ajaccio.
Cédric en profite, avant de partir, pour faire ses emplettes dans le maquis : dédaignant une malle arrière de RENAULT Frégate, il récupère 2 calandres, dont celle du pauvre Peugeot D3, décédé la semaine dernière...La déco de son garage est assurée...
Les premiers hectomètres permettent de constater que la C4 suit sans problème le rythme imposé par la Xantia...
L'heure du repas approchant, nous en profitons pour faire une halte réparatrice dans une des nombreuses paillottes qui s'étalent sur le littoral. HEU-REUX, on vous dit...
Après une nouvelle vérification de la tension des sangles, nous reprenons la route, sans nous préoccuper des mises en garde des autochtones......
En cheminant sur cette route de la côte, je me dis qu'elle n'a pas dû changer beaucoup, depuis l'époque où la C4 l'empruntait régulièrement. Peut-être d'ailleurs reconnaît-elle ces virages. Je lui offre quelques photos furtives des paysages magnifiques qu'elle ne reverra plus avant bien longtemps, sans doute...
A l'approche des Calanche de Piana, la route s'élève brusquement. L'un des ventilos de la Xantia rend l'âme. Nous devons ménager la voiture. Un comble : c'est la voiture moderne qui est à la peine, alors que l'ancienne reste imperturbable !!! Mais il est vrai que nous flirtons avec les 40°...
Nous traversons les Calanche sous les acclamations des touristes, et Gilles se fait un tas d'amis dans la profession des chauffeurs d'autocars, que nous croisons un peu "à l'arrache" !!!!
A l'entrée du village de Piana, 2 gendarmes nous regardent curieusement...
- Surtout, ne pas croiser leur regard, me dit Gilles....
Je pense, en moi-même, que cela risque d'être un peu différent demain, sur l'A7....
Nous arrivons à Cargèse à l'heure de la sieste. Pas un chat dans les rues. Enfin, presque...
Une dernière petite collation au bord de mer du côté de Sagone...
Un arrêt supplémentaire dans le col de San Bastiano, à titre préventif, histoire de ne pas laisser le joint de culasse de la Xantia sur l'île...
puis vient le moment de se quitter, à l'approche du port d'Ajaccio. Nous nous faisons la promesse de nous revoir, en Corse ou en Normandie. Gilles s'engage à revenir sur l'île dans quelques années avec son coupé C4.
Ayant cerné la détermination et le courage de cet homme de défis, je me suis bien gardé de parier le contraire !